Bohemia

Bohemia
Bien plus qu’un livre: ouverture et fenêtre sur un univers passionnant et passionnel…

Une invitation au voyage

Le nouveau livre de Maroushka est un grand roman. L’auteur, danseuse qui sculptait jadis l’air avec ses mouvements si gracieux, sculpte aujourd’hui les mots de manière à créer un langage précis et poétique, évoquant un univers entier dans sa vraie profondeur. Nous recevons en effet une invitation au voyage dans le monde des Manouches, voyage vertical dans le Temps et horizontal dans l’espace.  

Notre guide, l’attachante protagoniste et alter ego de l’auteur, s’appelle Maja. L’histoire qui se narre à travers elle est non seulement celle de son amour tragique et violent pour l’insaisissable Yanko, jeune musicien et aventurier un tant soit peu sulfureux, mais encore la véritable et imposante histoire des tsiganes,  leur ancrage dans le déracinement, les douleurs découlant des cruautés persécutrices du siècle dernier, dont la menace plane toujours sur leur mémoire collective et bien davantage.

Grand roman donc, indéniablement, fût-ce parce qu’on y observera encore d’autres formes d’art. Songeons, par exemple, aux magnifiques paysages qui se peignent sous la plume de Maroushka ou à la musique dont l’écho vivifie quasiment chaque chapitre, transformant notre lecture, par moments, en danse et notre voyage en fête du lyrisme; tel ce passage (parmi un nombre infini d’autres) particulièrement palpitant:

« Dans la nuit, le vent se leva. Sa plainte ressemblait à celle d’un animal blessé qui court fou de douleur. Il y eut un bruit sourd. Des voix chuchotaient dehors. ‘’C’est lui qui l’a tué. Il n’est pas seul. Sa famille est coupable aussi de tout ce malheur’’ ». […] Ce fut la porte qui me réveilla, elle claquait. Pendant mon sommeil quelqu’un était entré. Fallait, que j’en parle à Sara. Quand, je suis arrivée elle emplissait de petites bouteilles avec l’eau de la source. Le lendemain, toute la matinée, la pluie nous retarda pour chiner. Elle était si fine qu’on aurait dit des fils de cristal attachés aux nuages. Enfin, quand Loli se décida, la terre suait une brume tiède. Je les accompagnais. La méfiance était partout, le temps sans doute. Quand dans une ferme, Loli échangea de la vannerie pour des volailles et des œufs, il survint une chose étrange. Sur le pas de sa porte, la fermière me prit les mains : « Votre visage me rappelle quelqu’un. »

Inutile de dire qu’en cela Bohemia se distingue avec une netteté cristalline de tout ce qui utilise aujourd’hui la littérature pour se donner stupidement en spectacle dans le domaine des mass-médias ou sur les réseaux sociaux. Aucune hystérie, aucun érotisme facile, aucune prise de position politique ou politiquement correcte à la mode ne souillent cette chronique universelle de l’errance et de ce qui ne devra jamais s’oublier. Aucune coquetterie littéraire non plus. Maroushka ne caracole pas avec un panache de soi-disant tours de force stylistiques ou de lamentables tentatives de renouvellement romanesque. S’il y a un maître mot qui définit bien son art, c’est bien celui de lisibilité.

Il faut donc lire ce grand roman, se laisser aller à une aventure qui émeut et abolit le moment présent tout au long de 195 pages.

(PG)

Bohemia de Maroushka (230 pages, € 20,-) vient de paraître aux Éditions Michel de Maule | 41 rue de Richelieu | 75001 Paris | Tél. : 01 42 97 93 56 / 48 | Fax. : 01 42 97 94 90
mail/ contact presse : frederic.foucaud@micheldemaule.com.
Du même auteur: Une enfance chez Louis-Ferdinand Céline, Michel de Maule, 2011.

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