Magie et mystère dans le nouveau roman de Maroushka Dobelé

La vérité n’a jamais cessé de sortir de la bouche des enfants ; à preuve le nouveau livre de Maroushka Dobelé. Et non seulement la vérité sort-elle de la bouche des enfants : il existe également des animaux aussi savants que parlants. Tel est le cas de Totom, le gentil chien qui guide les jeunes protagonistes lors de leurs tentatives d’élucider le mystère évoqué par le titre.

On serait fondé à croire que ce conte – car cet ouvrage a un côté indéniablement magique, voire féérique – s’adresse uniquement aux enfants. Or, rien n’est moins vrai. Il s’adresse plutôt aux enfants dans le sens où l’entendait Antoine de Saint-Exupéry en critiquant dans Le petit prince les grandes personnes comme étant des êtres humains totalement dépourvus d’imagination. Bref, nous avons là un roman pour tous âges, à la condition que le lecteur qui l’ouvre, ait gardé un esprit imaginatif et une antenne poétique lui permettant de vivre réellement cette fable si prenante.

Nous lisons l’histoire d’une attachante bande de préadolescents – les deux sœurs Lou et Léa, leur frère Ludovic et leur cousin d’Afrique Noé, secondés du bon auxiliaire canin Totom – qui quittent Paris pour passer leurs vacances d’été chez leur grand-mère Mamie-Rose dans la petite bourgade de Châtel-Censoir (Yonne). Mais ces vacances s’avéreront loin d’être ordinaires et dès leur voyage en train des signes prémonitoires font pressentir que de bien étranges tribulations les attendent derrière l’horizon.

En effet, une fois arrivés à destination, les enfants sentent la vibration d’un abîme d’énigmes autour d’eux : les rues, les façades, le port fluvial, tout semble affecté  et hanté par un autre monde et, qui plus est, par un autre temps. Un univers secret composé de galeries souterraines, de pages de grimoire, de chimères d’êtres disparus incite les personnages – mais aussi nous lecteurs – à franchir le seuil d’une réalité parallèle pour découvrir enfin l’émouvante histoire que Châtel-Censoir a abritée au fil des siècles et que Maroushka Dobelé finit par montrer au grand jour de la manière la plus convaincante qui soit. 

Prenons par exemple la description très poétique et très imagée des lieux où se déroule l’action et qui nous offre de fait un Châtel-Censoir de chevet où il fait bon cheminer avec les jeunes aventuriers encore quelques moments avant de poser le livre et de fermer les yeux : « À cette heure tardive, les rues du village appartenaient aux chats, on les voyait se passer une patte derrière l’oreille. Ludovic comprit que leur comportement était annonciateur de pluie. L’entrée du souterrain était non loin du ruisseau, enfin… la sortie par laquelle ils s’étaient enfuis en compagnie de Lévannah. Les félins des rues avaient eu raison, de grosses gouttes se mirent à tomber lorsqu’ils descendirent les premières marches allant vers une porte dissimulée par un épais feuillage. Ils n’eurent qu’à la pousser pour pénétrer dans l’humidité de cet ancien passage montant vers la collégiale [la très pittoresque église Saint-Potentien datant du X/XIème siècle]. »

Vue sur Châtel-Censoir

Plusieurs choses frappent ici. D’abord il y a  le style on ne peut plus envoûtant de Maroushka Dobelé, qui a le génie d’évoquer le maximum de détails avec le minimum de moyens. On voit les enfants avancer dans la nuit, on les suit – presque physiquement – sur le chemin du mystère. Puis un nom saute aux yeux, celui de Lévannah, jeune fille émouvante du village, porteuse de secrets qui, dès leur arrivée à Châtel, s’est associée à la quête des enfants et qui, dans le fragment cité, les accompagne vers le dénouement du récit.

Inutile désormais de dire que sous nos yeux se trouve un indéniable coup de maître dont le charme hantera le lecteur encore longtemps. C’est dire que Marroushka Dobelé est une admirable romancière, digne d’un vaste public. De tous âges, s’entend.

PG

Maroushka Dobelé – Le mystère du petit manteau bleu. Éditions du Volcan, 2018. € 16,50

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