Olivier Cousin: l’âme et la matière

En quoi consiste l’âme bretonne ? Sans doute l’a-t-on déjà définie bien des fois avant que moi, humble Batave de la Saxe néerlandaise, je ne m’y sois penché. Mais je suis très loin d’oser m’aventurer à m’exprimer explicitement là-dessus. Autre question : quelle est la différence entre la poésie française et la poésie bretonne ? 

On ne peut, cela va sans dire, pas généraliser, d’autant qu’il n’existe pas une seule poésie française, pas plus qu’il n’existe une seule poésie bretonne. À la réflexion, cependant, il semble que chez les Bretons âme et lyrisme se confondent davantage que chez les Français en quelque chose de rugueusement tangible. On observe la même dialectique aux Pays-Bas, où les poètes de Groningue et de Frise, dont Rutger Kopland constitue le meilleur exemple, parlent avec la voix du terroir (sans que leur travail soit « paysan », bien sûr) alors que les chantres d’Amsterdam et des autres grandes villes de la Hollande occidentale cherchent plutôt l’expérience, le raffinement, l’abstraction ou l’intellect, une nouvelle Préciosité en somme.

Revenons à la poésie bretonne et lisons-en un beau spécimen assez typique, au titre par ailleurs fort éloquent, de la plume d’Olivier Cousin.

 

MATIÈRE DE BRETAGNE

Dans le crachin incessamment perpétuel
(des clichés les plus bêtement véhiculés)
et sous le vent perpétuellement incessant
je me sens ici des racines tenaces
Mais au moindre camion qui passe
elles et moi nous faisons la malle

Depuis ma naissance à chaque minute
je transbahute mes racines même si
mon socle est une campagne granitique
sur un promontoire humecté d’embruns
où les tracteurs de plus en plus gros
poussent les paysans à se raréfier

Si mes racines sont armoricaines
elles pourraient être partout
Je crois même qu’il y avait plus de chances
qu’elles soient ailleurs qu’ici
Simple encouragement à les soigner
sans les enfoncer

 

Olivier Cousin est né en 1972 dans le Finistère. Il a entre autres publié les recueils Sous un ciel sans paupière (Prix Camille le Mercier d’Erm de l’Association des écrivains bretons 2011) et 77 poèmes et des poussières. Nouvelles, romans, poèmes, livres d’artistes : il est l’auteur de plus d’une douzaine de titres à cette date.

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